Propanediol dans les e-liquides : risques potentiels pour la santé

Le vapotage, souvent présenté comme une alternative moins nocive au tabagisme traditionnel, a connu une popularité fulgurante ces dernières années. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, environ 3.6% de la population mondiale vapotait en 2023 (OMS, 2023) . Cette expansion rapide a soulevé d’importantes interrogations concernant les effets à long terme sur la santé, notamment en raison de la présence de divers composés chimiques dans les e-liquides. Parmi ceux-ci, le propanediol (PG) occupe une place centrale, représentant fréquemment plus de 50% de la composition des e-liquides, bien que ce pourcentage varie selon les marques et les types de produits (Farsalinos et al., 2015) .

Nous explorerons les propriétés de ce composé, les effets possibles sur la santé en nous basant sur les données scientifiques disponibles, et les futures pistes de recherche pour mieux comprendre les enjeux liés au vapotage et au PG. Nous examinerons aussi des stratégies de réduction des risques et des alternatives existantes, comme la glycérine végétale (VG).

Qu’est-ce que le propanediol (PG) ?

Le propanediol, également connu sous le nom de 1,2-propanediol, est un composé organique de formule chimique C 3 H 8 O 2 . Il s’agit d’un diol, c’est-à-dire une molécule comportant deux groupes hydroxyle (-OH). Ce liquide, incolore à température ambiante, est quasiment inodore et possède une légère saveur sucrée. Sa grande solubilité dans l’eau et divers solvants organiques le rend polyvalent dans de multiples applications.

Définition chimique et propriétés

Chimiquement parlant, le propanediol se distingue par une chaîne de trois atomes de carbone, avec un groupe hydroxyle lié aux deux premiers atomes de carbone. Cette structure moléculaire lui confère ses qualités de solvant et d’humectant. Le PG peut être produit à partir de propylène, un dérivé du pétrole, ou via des sources renouvelables comme le maïs, offrant ainsi des options de production plus durables. Sa faible tension superficielle favorise sa dispersion en aérosol, une propriété particulièrement utile pour son utilisation dans les e-liquides (Lushington et al., 2014) .

Utilisations du PG

Le propanediol est utilisé dans de nombreuses industries. On le retrouve comme antigel dans les systèmes de refroidissement, comme solvant dans les peintures et les revêtements, ou encore comme composant de détergents. Dans les secteurs agroalimentaires et pharmaceutiques, le PG sert d’agent conservateur, de solvant pour les arômes et colorants, et d’humectant pour maintenir l’hydratation des produits. Dans les e-liquides, sa concentration oscille généralement entre 30% et 80%, selon les préférences du vapoteur et les caractéristiques du produit. Il joue un rôle crucial dans la dissolution des arômes et la production de la sensation de « hit » en gorge, recherchée par certains utilisateurs.

Sécurité du PG (hors inhalation)

L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a classé le propanediol comme GRAS (Generally Recognized As Safe – généralement reconnu comme sûr) pour certaines utilisations alimentaires et pharmaceutiques. Son profil de toxicité orale et cutanée est communément considéré comme faible. Néanmoins, il est primordial de préciser que ces évaluations de sécurité concernent d’autres modes d’administration que l’inhalation. L’inhalation régulière de PG pourrait engendrer des risques spécifiques, non reflétés par les études sur l’ingestion ou l’application cutanée. C’est pourquoi l’évaluation des risques liés au vapotage nécessite des recherches spécifiques.

Risques potentiels du propanediol inhalé

L’inhalation de propanediol, inhérente au vapotage, suscite des inquiétudes singulières en raison du contact direct de ce composé avec les voies respiratoires et les poumons. Les études sur les conséquences à long terme sont encore limitées, mais les recherches existantes laissent entrevoir divers risques potentiels, notamment pour les populations à risque comme les asthmatiques.

Mécanismes d’action du PG inhalé

Lors de l’inhalation, le propanediol se dépose dans les voies respiratoires. La quantité et la zone de dépôt dépendent de la taille des particules d’aérosol et de la profondeur de l’inspiration. Les recherches suggèrent que le PG interagit avec les cellules épithéliales qui tapissent les voies respiratoires, ce qui pourrait altérer leur fonction et provoquer une inflammation (Wieslander et al., 2001) . Par ailleurs, le PG peut influencer la production de mucus et le système de clairance mucociliaire, un mécanisme essentiel à l’élimination des particules et des agents pathogènes dans les poumons. Des études in vitro ont montré que le PG peut altérer la viscosité du mucus, entravant ainsi sa fonction protectrice (Glynos et al., 2020) . Ces interactions sont susceptibles d’entraîner divers effets à court et à long terme, affectant la santé respiratoire des vapoteurs.

Effets à court terme

Les effets à court terme de l’inhalation de PG se manifestent souvent rapidement et sont généralement réversibles. L’irritation des voies respiratoires supérieures constitue l’un des symptômes les plus couramment rapportés. En tant que composé hygroscopique, le PG peut induire une déshydratation des voies respiratoires, ce qui entraîne une sensation de gorge sèche, une toux et une congestion nasale. Certaines personnes peuvent aussi développer des réactions allergiques au PG, qui se traduisent par des éruptions cutanées, des démangeaisons ou des difficultés respiratoires. Des études ont observé que l’inhalation de PG peut provoquer des modifications temporaires de la fonction pulmonaire, comme une diminution du débit expiratoire maximal (DEM) et du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS), bien que ces effets soient en général de courte durée. Une étude de Chalermwatanachai et al. (2016) a démontré une diminution significative du VEMS chez les vapoteurs après une session de vapotage (Chalermwatanachai et al., 2016) . Ces effets immédiats soulignent l’impact du PG sur les voies respiratoires.

Effets à long terme : toxicité pulmonaire, asthme et risques cardiovasculaires

Les effets à long terme de l’inhalation chronique de propanediol sont moins documentés et nécessitent des recherches approfondies. Cependant, certaines études pointent vers un danger potentiel de toxicité pulmonaire chronique. L’inflammation chronique des voies respiratoires, constatée dans des études animales et in vitro, pourrait, à terme, modifier la structure pulmonaire, augmentant ainsi le risque de fibrose ou d’emphysème. Bien que la bronchiolite oblitérante soit plus couramment liée à d’autres substances chimiques, sa survenue théorique en rapport avec une exposition au PG ne peut être totalement exclue. Des données suggèrent qu’environ 10% des vapoteurs font état de symptômes respiratoires persistants, ce qui nécessite une investigation plus approfondie (McConnell et al., 2017) .

  • Inflammation chronique des voies respiratoires : augmentation du risque de maladies pulmonaires obstructives.
  • Altération de la structure pulmonaire : potentielle apparition de fibrose ou d’emphysème.
  • Bronchiolite oblitérante : un risque théorique nécessitant des études supplémentaires.

L’exposition au PG peut également sensibiliser les voies respiratoires et accroître le risque de développement d’asthme chez les personnes non asthmatiques, ou aggraver les symptômes chez les personnes déjà asthmatiques. Une étude publiée dans le « American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine » a révélé une association entre le vapotage et l’augmentation des symptômes asthmatiques chez les adolescents (Cho et al., 2019) . Des recherches ont également mis en lumière un impact potentiel sur le système cardiovasculaire, avec des variations de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque. Bien qu’un lien de causalité direct entre l’inhalation de PG et le cancer n’ait pas été établi, le stress oxydatif induit par cette inhalation pourrait théoriquement favoriser le développement de cellules cancéreuses à long terme. La qualité du PG utilisé est également un facteur important, car la présence d’impuretés, comme le 1,2-propanediol présent dans du PG de qualité inférieure, pourrait engendrer des risques additionnels.

Populations à risque : adolescents, femmes enceintes et personnes asthmatiques

Certaines populations présentent une plus grande vulnérabilité face aux effets potentiels du PG inhalé. Les personnes asthmatiques, ou souffrant de pathologies respiratoires préexistantes, peuvent se montrer plus sensibles à l’irritation des voies respiratoires et à l’inflammation. Les enfants et les adolescents, dont les poumons sont encore en phase de développement, sont susceptibles de subir davantage les effets nocifs. Les femmes enceintes devraient également éviter le vapotage, étant donné les menaces potentielles pour le développement fœtal. Les personnes allergiques au PG doivent, évidemment, proscrire tout contact avec ce composé.

Les études scientifiques : analyse critique de la recherche existante

L’évaluation des dangers potentiels associés à l’inhalation de propanediol s’appuie grandement sur les études scientifiques accessibles. Ces études comprennent des analyses in vitro (sur des cellules cultivées en laboratoire), des études animales (sur des modèles animaux) et des études cliniques (sur des êtres humains). Chaque type d’étude offre des informations précieuses, tout en présentant certaines limites.

Synthèse des études clés

Les études in vitro ont révélé que le PG peut susciter une inflammation et un stress oxydatif dans les cellules pulmonaires (Taylor et al., 2014) . Les études animales ont mis en évidence une toxicité pulmonaire, des anomalies de la fonction respiratoire et des transformations de la structure des poumons suite à une exposition prolongée au PG (Batterman et al., 2019) . Les études cliniques menées auprès de vapoteurs ont montré une forte prévalence de symptômes respiratoires, tels que la toux, la gorge sèche et la congestion nasale (Bekki et al., 2013) . Des études épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation entre le vapotage et les maladies respiratoires, bien que ces études soient souvent difficiles à interpréter en raison de multiples facteurs de confusion.

Lacunes et limitations de la recherche

En dépit des avancées réalisées, la recherche concernant les effets de l’inhalation de PG présente des lacunes importantes. Le manque d’études à long terme est un frein majeur, car les effets chroniques peuvent prendre des années à se manifester. Isoler les effets du PG des autres composants des e-liquides, comme la nicotine et les arômes, représente aussi un défi. La diversité des dispositifs et des pratiques de vapotage complique aussi la comparaison des résultats entre les différentes études. De plus, les méthodologies utilisées divergent d’une étude à l’autre, ce qui rend l’interprétation globale des données plus complexe.

Besoin de recherches supplémentaires : études longitudinales et analyses comparatives

Afin de mieux saisir les risques potentiels associés à l’inhalation de PG, il est fondamental de multiplier les recherches. Il est nécessaire de réaliser des études longitudinales, qui suivent les vapoteurs sur de longues périodes (plus de cinq ans), pour évaluer les effets à long terme sur la santé pulmonaire et cardiovasculaire. Des études comparatives évaluant les effets des divers composants des e-liquides (PG vs VG, arômes) pourraient permettre d’isoler les contributions propres à chaque substance. Des études ciblant les populations à risque, notamment les asthmatiques et les adolescents, sont également indispensables. La recherche sur les mécanismes moléculaires de la toxicité du PG inhalé aiderait à déterminer les cibles thérapeutiques potentielles. Ces efforts de recherche sont cruciaux pour éclairer les politiques de santé publique et protéger la santé des vapoteurs.

Type d’étude Objectif principal Limites principales
In vitro Évaluation des effets cellulaires du PG Manque de pertinence physiologique directe
Animale Étude de la toxicité pulmonaire et des effets sur la fonction respiratoire Extrapolation potentiellement difficile aux humains
Clinique Évaluation des effets à court terme sur les vapoteurs Difficulté à isoler les effets du PG des autres composants des e-liquides
Épidémiologique Corrélation entre le vapotage et les maladies respiratoires Facteurs de confusion et biais potentiels

Alternatives au propanediol et stratégies de réduction des risques

Face aux risques potentiels liés à l’inhalation de propanediol, il est important d’étudier les alternatives possibles et les stratégies de réduction des risques pour les vapoteurs. La glycérine végétale (VG) est l’alternative la plus utilisée, mais d’autres options sont également explorées.

Glycérine végétale (VG) : une alternative courante

La glycérine végétale est un autre liquide incolore et inodore utilisé dans les e-liquides. Elle est plus visqueuse que le PG et génère une vapeur plus dense. La VG offre une sensation en gorge plus douce, ce qui peut être préférable pour certains vapoteurs. Cependant, elle peut encrasser plus rapidement les résistances des dispositifs de vapotage et modifier la saveur des arômes. Bien que généralement considérée comme sûre, l’inhalation de VG a été associée, dans de rares cas, à une accumulation de lipides dans les poumons, une condition connue sous le nom de lipoïd pneumonie. Des études suggèrent que les e-liquides avec un ratio PG/VG plus faible peuvent réduire l’irritation des voies respiratoires (Varughese et al., 2018) .

Autres alternatives potentielles : eau distillée et nouveaux glycols

D’autres alternatives au PG sont à l’étude, bien qu’elles soient moins couramment utilisées. L’eau distillée peut être ajoutée aux e-liquides pour amoindrir la viscosité et favoriser la production de vapeur. Certains fabricants explorent également l’utilisation d’autres glycols, mais leur sécurité et leur efficacité doivent encore être évaluées de façon approfondie. Le choix de l’alternative la plus adaptée dépendra des préférences du vapoteur, des caractéristiques du dispositif et des considérations de sécurité. L’utilisation d’e-liquides sans PG est une option de plus en plus populaire pour les personnes sensibles.

  • E-liquides avec un ratio PG/VG plus faible : moins irritants pour la gorge et les poumons.
  • E-liquides exclusivement VG : une alternative sans PG, mais pouvant affecter la saveur.
  • Ajout d’eau distillée pour réduire la viscosité : une option pour améliorer la production de vapeur.

Stratégies de réduction des risques : puissance du dispositif et hydratation

Outre le choix d’alternatives au PG, les vapoteurs peuvent mettre en œuvre différentes stratégies pour minimiser les risques potentiels. Utiliser des dispositifs de vapotage à faible puissance contribue à amoindrir la production d’aérosol et, par conséquent, l’exposition aux composés chimiques. Il est aussi recommandé de limiter la fréquence et la durée des séances de vapotage. Une bonne hydratation aide à pallier la déshydratation potentielle des voies respiratoires. Surveiller les symptômes respiratoires et consulter un médecin en cas de besoin s’avère essentiel. Sélectionner des e-liquides de qualité, avec des ingrédients connus et des certifications, permet de diminuer l’exposition aux impuretés potentielles. Bien entendu, l’arrêt complet du vapotage demeure la solution la plus sûre, comme le rappellent régulièrement les autorités de santé.

Stratégie Avantage Inconvénient potentiel
Utilisation de dispositifs à basse puissance Réduction de l’exposition aux composés chimiques Moins de production de vapeur
Réduction de la fréquence et de la durée du vapotage Diminution de l’exposition globale Peut être difficile pour certains vapoteurs
Hydratation adéquate Compense la déshydratation Nécessite une attention constante
Choix d’e-liquides de qualité Minimisation de l’exposition aux impuretés Peut être plus coûteux

Perspectives pour l’avenir : normes de qualité et recherches approfondies

Le propanediol est un composant largement utilisé dans les e-liquides. Bien que certains risques potentiels aient été mis en évidence, des recherches complémentaires sont indispensables pour cerner avec précision les effets à long terme de son inhalation. Il est crucial que les vapoteurs, les professionnels de la santé et les décideurs politiques se tiennent informés des dernières données scientifiques et adoptent une attitude prudente face au vapotage.

Il est impératif que les organismes de réglementation continuent de surveiller attentivement le marché des e-liquides et d’établir des normes de qualité strictes afin de minimiser les risques potentiels. Les recherches futures doivent se concentrer sur l’évaluation des effets à long terme du vapotage sur la santé pulmonaire et cardiovasculaire, ainsi que sur l’identification des mécanismes moléculaires de la toxicité des divers composants des e-liquides. Dans l’intervalle, il est recommandé aux vapoteurs d’adopter des stratégies de réduction des risques et de consulter un médecin en cas d’inquiétudes concernant leur santé.

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  2. Farsalinos, K. E., et al. (2015). *Nicotine absorption from electronic cigarette use: comparison of first and new-generation devices.* Scientific Reports, 5, 11269.
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